Joey Starr & Kool Shen, de banlieusards à super stars

1990, Boulogne, studio de tournage Canal+. L’émission télé "Mon Zénith à moi" cartonne depuis 3 ans grâce à un concept fort et novateur : inviter un artiste et lui laisser carte blanche pour se présenter, lui et son travail. Ce jour-là, devant leur poste de télévision, les téléspectateurs découvrent 2 gamins de banlieue, tout juste sortis de l’adolescence, qui ouvrent l’émission en rappant. Du jamais vu à la télé puisqu’à cette époque, le rap émerge tout juste en France. Leurs noms d’artistes : Joey Starr et Kool Shen.

Ce soir-là, la mythique salle de concerts reçoit sur scène plusieurs groupes de rap français pour des mini-sessions de 10 minutes, une programmation ovni pour l’époque. Dans la fosse, le public est chaud bouillant, pour ne pas dire hostile. Les canettes de bières jonchent le sol, des bagarres éclatent toutes les 5 minutes et surtout, la foule attend avec une impatience grandissante le groupe phare de la soirée, les américains Cash Money. Dans les loges, Kool Shen, Joey Starr et DJ S, le DJ d’NTM, sentent monter la pression.

Retour en 1990. La chance a tourné. Pour la première fois de sa vie, en rappant avec son pote Bruno, le jeune Didier voit son travail et la passion qu’il y a mis, récompensés au-delà de ses espérances : NTM a trouvé son public dès les premiers textes, dès les premières scènes, et Joey Starr sent dans ses tripes qu’il est fait pour ça. Mais cette signature chez Epic lui met une pression qu’il refuse d’affronter. Elle le force en tout cas à se poser la question de la suite et celle d’un véritable engagement auprès de la maison de disques - et surtout auprès de Kool Shen et DJ S. Car eux ont déjà compris l’ampleur que peut prendre NTM et sont dans les starting blocks.

Comme dans un vrai couple, au cours des dernières années Joey Starr et Kool Shen ont fini par prendre de la distance l’un vis-à-vis de l’autre. Si sur scène l’alchimie entre les deux rappeurs reste bluffante, ils ne partagent plus rien en dehors des concerts. Au quotidien, le binôme ne fréquente plus les mêmes personnes et ne se réunit même plus pour des sessions d’écriture ; les morceaux se font à distance, souvent par téléphone. Chacun s’occupe de son label et petit à petit, l’éloignement s’accentue.